vendredi 21 janvier 2011

Journal d'un avril invisible

Vendredi 1er mai

J'attrape le printemps avec précaution et je l'ouvre :

Me frappe une chaleur arachnéenne
un bleu qui sent l'haleine de papillon
les étoiles de la marguerite mais aussi
une foule rampante ou volatile
d'insectes, serpents, lézards, chenilles et autres
monstres bariolés aux antennes en fil de fer
aux écailles de lamé d'or et de paillettes pourpres


Tous, dirait-on, prêts à partir
au bal costumé des Enfers.


Lundi 4 mai

Deux doigts au-dessus du sol on voyait
la maison brillant comme un diamant

Plus bas, un lac tout en brumes roses

Puis l'Inconnu, phosphore épais incombustible
et plus loin « le Pays » dit « des Lotophages ».

Je fus ouvrier des années dans la région
et suis resté les doigts brûlés au moment
où je voulais encore un peu
voir de loin comment les eaux fleurissent
et comment font la roue, marchant sans bruit, les Paradis.


Odyssèus Elỳtis, Journal d'un avril invisible