vendredi 21 janvier 2011

Le monogramme

Je pleure le soleil et pleure les années qui viennent
Sans nous et je chante celles qui sont passées
Si tout cela est vrai

Les dialogues des corps et les barques avec douceur
entrechoquées
Les guitares sous les eaux éteintes et rallumées
Les « crois-moi » les « non pas ça »
Tantôt dans l'air, tantôt dans la musique

Deux petits animaux, nos mains qui cherchaient
À monter l'une sur l'autre en cachette
Le vase de citronnelle aux portes ouvertes des cours
Et les bouts de mers qui arrivaient ensemble
Par-dessus les murets, derrière les clôtures
L'anémone qui se posa sur ta main
Et le mauve qui trois fois trembla trois jours au-dessus
des cascades


Si tout cela est vrai je chante
Le bois de la poutre et la tapisserie carrée
Du mur, la Sirène aux cheveux dénoués
Le chat qui nous observa dans l'ombre
L'enfant à l'encensoir et sa croix rouge
Quand le soir tombe sur l'escarpé des rochers
Je pleure l'habit que j'ai touché, le monde qu'il m'a
donné.

Odyssèus Elỳtis, Le monogramme